Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/64

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Et l’on vit une jolie petite ligne tortueuse qui, comme l’indiquait le dictionnaire, prenait sa source dans l’Apennin, et allait se jeter dans la mer à la droite de Pise.

— Maintenant, ajouta-t-il, il n’est point que vous n’ayez entendu parler de Pise et de Florence, les deux villes les plus visitées de l’Italie.

— N’est-ce pas de ce côté-là, demanda le spéculateur qui ne savait pas lire, que monsieur Demidoff a une manufacture de scierie, et monsieur Larderelle une fabrique de borax ?

— Justement, messieurs, justement, s’écria mon ami. Eh bien ! de Florence à Pise, et de Pise à Florence, on ne communique qu’à l’aide de voiturins et de diligences ; les voiturins prennent 6 francs par personne et les diligences 9 francs. Les voiturins mettent huit heures à parcourir le trajet, et les diligences douze. Nous établissons deux bateaux à vapeur qui remontent et qui descendent l’Arno chaque jour ; nous prenons 5 francs au lieu de 6, nous faisons le trajet en cinq heures au lieu de douze : nous roulons les voiturins, nous anéantissons les diligences, et nous faisons notre fortune.

— Mais, dit un des capitalistes qui passait pour l’homme politique de la société parce qu’il était propriétaire d’une action au Constitutionnel, mais la Toscane est un pays qui n’a ni Charte politique ni Code civil ; c’est un pays de despotisme, où nous n’obtiendrons jamais un privilège pour une entreprise qui doit porter les lumières.

— Eh bien ! voilà ce qui vous trompe, dit mon ami. La Toscane a un Code, et, ce qui vaut quelquefois mieux qu’une Charte, un souverain qu’elle adore. De privilèges, il n’y en a pas. Toute industrie est libre, et chacun peut y venir fonder tel établissement commercial qu’il lui plaît.

— Oh ! oh ! oh ! fit l’actionnaire du Constitutionnel, vous ne nous ferez pas accroire de pareilles choses, jeune homme !

— Lisez, dit mon ami en déployant aux yeux de tous la lettre qu’il avait reçue du ministère. La lettre passa de main en main, et s’arrêta à celle du capitaliste qui ne savait pas lire, lequel la replia proprement