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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/65

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et la rendit à son propriétaire avec un geste plein de courtoisie.

— Qu’en dites-vous, messieurs ? demanda mon ami.

— Eh bien ! nous disons, mon cher, que vous pourriez bien avoir raison. Faites vos calculs, nous ferons les nôtres, et revenez demain à la même heure.

Mon ami passa le reste de la journée et une partie de la nuit à mettre des chiffres les uns au dessous des autres.

Le lendemain à l’heure convenue il se retrouva au rendez-vous.

On compara ces calculs avec ceux des capitalistes ; il n’y avait entre eux qu’une centaine de mille francs de différence, ce qui donna aux capitalistes une haute idée de la capacité de mon ami.

Séance tenante on arrêta les bases d’une société au capital de 4,600,000 francs. Mon ami fut nommé gérant, avec 12,000 francs d’appointemens et un sixième dans les bénéfices.

Puis l’on décida que comme il n’y avait en Toscane ni brevets ni privilèges, il fallait se garder d’ébruiter la spéculation, commander deux bateaux à vapeur à Marseille, puis un beau jour arriver à Pise comme Napoléon était arrivé au golfe Juan, c’est-à dire sans être attendu, et mettre aussitôt le projet à exécution.

La construction des bateaux prit six mois ; ils coûtèrent cinq cent mille francs chacun : restaient donc six cent mille francs pour l’installation ; c’était le double de ce qu’il fallait. Pour la première fois les dépenses étaient restées au-dessous du devis.

On laissa à mon ami le choix du nom des bateaux ; il appela l’un le Dante, et l’autre le Corneille : c’était un appel à la fraternité future des deux nations. Les deux bâtimens entrèrent dans le port de Livourne après une navigation de trente heures ; c’était deux heures de plus seulement que ne mettent aujourd’hui pour le même trajet les bâtimens de l’État.

Tous les présages, comme on le voit, étaient favorables.

Mon ami prit sa place dans un voiturin et partit pour Florence, où il pensait qu’il aurait quelques démarches à faire avant de mettre son entreprise au courant.