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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/66

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En arrivant auprès de l’Ambrogiana, il se trouva près d’un immense ravin au fond duquel coulait un petit filet d’eau.

Il demanda avec un sourire de pitié quel était ce mauvais torrent qui faisait tant d’embarras pour si peu de chose, et auquel il fallait pour une si petite rigole un si grand lit.

Le voiturin, qui était Lucquois, et qui par conséquent n’avait aucun motif de lui cacher la vérité, lui répondit que c’était l’Arno.

Mon ami poussa un cri de terreur, fit arrêter le berlingot, sauta à terre, et descendit tout courant vers le fleuve. Le voiturin, qui était payé, continua sa route vers Casellino, où il trouva un voyageur qui moyennant quatre pauli, prit la place vacante. C’était un marché d’or pour tous deux.

Pendant ce temps, le gérant de la société des bateaux à vapeur le Dante et le Corneille était arrivé près du filet d’eau, qu’il sondait avec sa canne et qu’il mesurait de l’œil.

Dans sa plus grande profondeur il avait quinze pouces ; et dans sa plus grande largeur, dix-huit pieds.

Il remonta le fleuve pendant une lieue, et reconnut qu’il y avait des endroits où tout ce qu’il pouvait faire était de porter un bateau de carton.

Au bout d’une lieue il rencontra un paysan qui pêchait des écrevisses en retournant des pierres et qui avait de l’eau jusqu’à la cheville. Il lui demanda si l’Arno était souvent dans l’état déplorable où il le voyait. Le paysan répondit que la chose lui arrivait pendant neuf mois de l’année.

Mon ami ne crut pas utile de pousser jusqu’à Florence, et revint à Livourne dans la plus grande consternation.

Là, il avoua la chose à ses commettans, leur déclara qu’il s’était trompé, qu’il devait en conséquence porter la peine de son erreur. Il possédait quarante mille francs ; c’était toute sa fortune ; il les offrit à la société à titre de dommages et intérêts.

La société déclara que la chose était grave, et qu’il fallait en délibérer en conseil général.

Le conseil général décida qu’on vendrait les bateaux, et que mon ami supporterait les pertes.