Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/79

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profita de son absence pour prendre une potion qu’il avait demandée à ses médecins, et que ses médecins lui avaient refusée : c’était un mélange d’huile et de magnésie. Au même instant il se sentit plus mal ; à ses douleurs d’entrailles avait succédé un engourdissement lourd et froid qui ressemblait à une paralysie. Le malade lutta pendant quelque temps contre ce premier envahissement de la mort, marchant dans la chambre, parlant tout haut, essayant la réaction de l’intelligence sur la matière. Mais enfin, se sentant de plus en plus mal, il sonna, et son domestique en entrant le trouva assis et épuisé sur un fauteuil voisin du cordon de la sonnette. Il appela aussitôt la comtesse d’Albany et courut chez le médecin.

La comtesse d’Albany accourut. Elle trouva Alfieri respirant à peine et à demi suffoqué. Elle l’invita alors à essayer de se coucher ; il se leva aussitôt, chancelant et lui tendant la main, marcha vers son lit, s’y laissa tomber en poussant un gémissement ; bientôt sa vue s’obscurcit, ses yeux se fermèrent. La comtesse qui à genoux près de lui tenait une de ses mains dans les deux siennes, sentit un faible serrement ; puis elle entendit un faible et long soupir ; c’était le dernier souffle du poëte : Alfieri était mort.

Au moment où les Français envahirent la Toscane, Alfieri, exagéré comme toujours, avait résolu de les attendre comme autrefois les sénateurs romains attendirent les Gaulois sur leurs chaises curules, ne doutant pas que la mort ne dût être le prix de son courage. Il avait fait alors son épitaphe et celle de la comtesse d’Albany. Les voici toutes deux :

ÉPITAPHE D’ALFIERI.

Ici repose enfin

Victor Alfieri d’Asti,

Ardent adorateur des Muses,

Esclave de la seule vérité,

Par conséquent odieux aux despotes

Qui commandent et aux lâches qui obéissent.

Inconnu à la

Multitude,

Attendu qu’il ne remplit jamais