Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/85

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ses rivaux. Le feu a pris à la maison d’une manière si violente qu’on a craint un instant que le toit ne s’abîmât sur la boutique. Le temps s’est mis à l’orage, et il est tombé une si grande pluie, et il a fait un si grand vent qu’on a en toutes les peines du monde à entretenir le feu de la fournaise. Enfin, le moule est prêt, le métal est en fusion, il n’y a plus qu’à faire couler le bronze de la chaudière dans la forme, quand le pauvre Benvenuto se sent pris d’une si grosse fièvre, qu’il est obligé de laisser jouer à des ouvriers cette partie dont dépend son honneur, et que ne pouvant plus tenir sur ses jambes il se décide à aller se mettre au lit.

« Alors, dit-il, triste et tourmenté, je me tournai vers ceux qui m’entouraient, et qui étaient au nombre de dix ou douze, tant maîtres fondeurs que manœuvres et ouvriers travaillant dans ma boutique ; et m’adressant à un certain Bernardino Manellini di Mugello qui faisait partie de ces derniers, et qui était chez moi depuis plusieurs années, après m’être recommandé à tous, je lui dis à lui particulièrement : — Mon cher Bernardino, suis ponctuellement les ordres que je t’ai donnés, et fais le plus vite que tu pourras, car le métal ne peut tarder d’être à point. Tu ne peux te tromper ; ces braves gens feront le canal, et je suis certain qu’en ne vous écartant point de mes instructions la forme s’emplira parfaitement. Quant à moi, je suis plus malade que je ne l’ai jamais été depuis le jour où je suis né, et, sur ma parole, je crains bien avant peu d’heures de n’être plus de ce monde.

Et ayant ainsi parlé, je les quittai bien triste, et j’allai me coucher.

À peine fus-je au lit, que j’ordonnai à mes servantes de porter dans la boutique de quoi boire et manger pour tout le monde, et je leur disais : — Hélas ! hélas ! demain je ne serai plus en vie. Eux cependant, essayant de me rendre mon courage, me répondaient que ce grand mal, étant venu par trop de fatigue, passerait par un peu de repos.

Deux heures s’écoulèrent, pendant lesquelles je voulus lutter vainement contre le mal, et pendant lesquelles la fièvre au lieu de décroître alla toujours s’augmentant ; et pendant ces deux heures, je ne cessais de répéter que je me sentais mou-