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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/86

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rir. Pendant ce temps, ma servante en chef, celle qui gouvernait toute la maison, et qui se nommait Mona Flore de Castel-Rio, la femme la plus vaillante et du meilleur cœur qui fût jamais, ne cessait de me crier que j’étais fou, que cela passerait ; me soignant de son mieux, et tout en me consolant, elle ne pouvait enfermer dans son brave cœur la quantité de larmes qui l’étouffaient, et qui, malgré elle, lui sortaient par les yeux ; si bien que, toutes les fois qu’elle croyait que je ne la voyais pas, elle pleurait à cœur joie. J’étais donc en proie à ces tribulations, lorsque je vois entrer dans ma chambre un petit homme tortu comme un S majuscule, qui, se tordant les bras, commença à me crier d’une voix aussi lamentable que celle des gens qui annoncent aux condamnés leur dernière heure : — O Benvenuto ! pauvre Benvenuto ! tout votre travail est perdu, et il n’y a plus de remède au monde !

Aux paroles de ce malheureux qui me remuèrent jusqu’au fond des entrailles, je jetai un si terrible cri qu’on l’eût entendu du ciel ; et bondissant de mon lit, je pris mes habits et commençai à me vêtir, distribuant à droite et à gauche, à mes servantes, à mes garçons et à tous ceux qui me tombaient sous la main, une grêle de coups de pied et de coups de poing, et tout cela, en me lamentant, tout en criant : — Ah ! les traîtres ! ah ! les envieux ! C’est une trahison, non pas faite à moi seul, mais à l’art tout entier ; mais, par le ciel ! je jure que je connaîtrai celui qui me l’a faite, et qu’avant de mourir je prouverai qui je suis par une telle vengeance que le monde en sera épouvanté. Au milieu de tout ce trouble, j’achevai de m’habiller ; et m’élançant vers ma boutique, où tous ces gens que j’avais laissés si joyeux et si pleins de courage étaient maintenant épouvantés et comme abrutis :

— Écoutez, leur dis-je d’une voix terrible, écoutez ; et puisque vous n’avez pas su m’obéir quand je n’y étais pas, obéissez-moi maintenant que me voilà pour présider à mon œuvre, et que pas un ne raisonne, attendu qu’à cette heure j’ai besoin d’aide et non de conseil. À ces mots, un certain maître Alexandre Lastricati voulut me répondre et me dit : — Vous voyez bien, Benvenuto, que vous voulez accomplir