Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/9

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chenet était entre l’enclume et le marteau, et le féroce Nicolas des Arrhes levait déjà le bras pour le briser.

Quelle époque admirable que celle où tout le monde aimait les arts, même les seigneuries, et où tout le monde était artiste, même les serruriers ! Aussi voyait-on s’élever des palais dont toute une ville était si fière, que, lorsque Charles VIII fit son entrée à Florence, la seigneurie, malgré la préoccupation du prince, voulut lui faire admirer sa merveille, et dirigea sa marche vers le chef-d’œuvre de Benoît de Majano. Mais le rustique roi de France était encore tant soit peu barbare, de sorte qu’il se contenta de jeter un coup d’œil sur le splendide édifice, et se retournant vers Pierre Capponi qui l’accompagnait : — C’est la maison de Strozzi, n’est-ce pas ? lui dit-il. — Oui, monsieur, lui répondit Pierre Capponi, commettant à l’égard du roi la même insolence que le roi, à son avis, commettait à l’égard du palais.

Ce palais appartient en effet à cette grande famille des Strozzi, qui existe encore aujourd’hui, et qui donna un maréchal a la France. Jusqu’à l’abolition de la patrie héréditaire, nous avons eu un pair de ce nom ; et le chef de la famille Strozzi, se regardant toujours comme Français, écrivait au roi de France au jour de l’an et au jour de sa fête.

Il y a quelque temps que les enfans du duc actuel, en jouant dans des chambres abandonnées depuis longtemps, trouvèrent un appartement composé d’une douzaine de pièces et parfaitement inconnu au propriétaire de cet immense hôtel. La porte avait été murée il y avait quelque deux ou trois cents ans, et personne ne s’était jamais aperçu, tant ce palais est vaste, qu’il y manquait le quart d’un étage.

Ce fut le fils du fondateur de ce beau palais, le fameux Philippe Strozzi, qui accueillit l’assassin d’Alexandre de Médicis, Lorenzino, à son arrivée à Venise, en l’appelant le Brutus de Florence, et en lui demandant la main de ses deux sœurs pour ses deux fils. C’est que, tout marié qu’il était à une fille de Pierre de Médicis, Philippe Strozzi n’en était pas moins resté un des plus fermes défenseurs de la république. Aussi, lorsque la liberté florentine tomba, le jour où Alexandre fit son entrée dans la capitale de son duché, Philippe