Page:Dumas - La salle d'armes 1 Pauline, Dumont, 1838.djvu/314

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habituel de la vie, un moyen de distraire son esprit par la vue même des objets qui devraient l’occuper : pas un souvenir historique ne lui échappait ; pas une poésie de la nature, soit qu’elle se manifestât à nous dans la vapeur du matin ou le crépuscule du soir, n’était perdue pour elle. Quant à moi, j’étais sous l’empire d’un charme ; jamais un seul mot des événemens accomplis n’avait été prononcé entre nous depuis l’heure où elle me les avait racontés ; pour moi le passé disparaissait parfois comme s’il n’avait jamais existé. Le présent seul qui nous réunissait était tout à mes yeux : jeté sur une terre étrangère, où je n’avais que Pauline, où Pauline n’avait que moi, les liens qui nous unissaient se resserraient chaque jour davantage par l’isolement ; chaque jour je sentais que je faisais un pas dans son cœur, chaque jour un serrement de main, chaque jour un sourire, son bras appuyé sur mon bras, sa tête posée sur mon épaule, était un nouveau droit qu’elle me donnait sans s’en douter pour le lendemain, et plus elle s’abandonnait ainsi ; plus, tout en aspirant chaque émanation naïve de son ame, plus je me gardais de lui parler