Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/16

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n’avait paru s’en apercevoir, pas même Lucca, qui jouait du violon avec une espèce de frénésie, frappant du pied et criant des figures que personne ne suivait. Je sentis que le vertige me gagnait, c’était une de ces scènes comme en raconte Hoffmann, ou comme on en voit en rêve. Je demandai au baron la permission de lire les règlemens de sa maison, dont on m’avait parlé comme d’un modèle de philanthropie ; il tira de sa poche une petite brochure imprimée ; et je me retirai dans un cabinet d’étude que le baron s’était réservé et dont il me fit ouvrir la porte.

Je citerai deux ou trois articles de ce règlement.

CHAPITRE V.

Art. 45.

« On a déjà aboli dans la maison des fous l’usage cruel et abominable des chaînes et des coups de bâton, qui, au lieu de rendre plus calmes et plus dociles les malheureux aliénés, ne font que redoubler leur fureur et leur inspirer des sentimens de vengeance. Néanmoins, si, malgré la douceur qu’on emploie avec eux, ils s’abandonnaient à la violence, on aura recours aux moyens de restriction, en n’oubliant jamais que les fous ne sont point des coupables à punir, mais bien de pauvres malades auxquels il faut porter des secours, et dont la position réclame tous les égards dus au malheur et à la souffrance. »

Art. 46.

« De toutes les méthodes de restriction dont on se sert actuellement dans les hospices et les établissemens des aliénés chez les nations les plus civilisées de l’Europe, il n’en sera adopté que trois : l’emprisonnement dans la chambre, la ligature dans un hamac, et la camisole de force, convaincu qu’est le directeur de la maison des fous de Palerme, non seulement de l’inefficacité, mais encore du danger réel des machines de rotation, des bains de surprise, des lits de force, moyens de répression plus cruels encore que l’emploi des chaînes, aboli dans quelques établissemens. »