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Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/161

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— Vous n’avez rien ? lui demandai-je.

— Moi, rien du tout ; je suis tombé sur Milord que j’ai manqué d’étouffer, voilà tout. Ce pauvre Milord, continua Jadin en adressant la parole à son chien de son fausset le plus agréable, il a donc sauvé la vie à son maître !

Milord se ramassa sur lui-même et agita vivement sa queue en témoignage du plaisir qu’il éprouvait d’avoir accompli sans s’en douter une si belle action.

— Mais enfin, demandai-je, qu’y a-l-il ? qu’est-il arrivé ?

— Il est arrivé, dit Jadin en haussant les épaules, que ces imbéciles-là ont mal assuré les pieux, et qu’un des supports ayant manqué, le speronare a fait comme quand Milord secoue ses puces.

— C’est à -dire, reprit le pilote, que c’est la terre qui a secoué les siennes.

— Comment ?

— Écoutez ce qu’ils crient tous en se sauvant.

Je me retournai vers le village, et je vis nos convives qui couraient comme des fous en criant : Terre moto, terre moto !

— Qu’est-ce que cela veut dire ? Est ce que c’est un tremblement de terre ? demandai-je.

— Ni plus ni moins, dit le pilote.

— Parole d’honneur ? fit Jadin.

— Parole d’honneur ! reprit Nunzio.

— Eh bien ! pilote, touchez là , dit Jadin, je suis enchanté.

— De quoi ? demanda gravement Nunzio.

— D’avoir joui d’un tremblement de terre. Tiens ! est-ce que vous croyez que ça se rencontre tous les dimanches, vous ? Ce pauvre Milord, il aura donc vu des tempêtes, il aura donc vu des volcans, il aura donc vu des tremblements de terre ; il aura donc tout vu !

Je me mis à rire malgré moi.

— Oui, oui, dit le pilote, riez ; vous autres, Français, je sais bien que vous riez de tout. Ça n’empêche pas que dans ce moment-ci la moitié de la Calabre est peut-être sens dessus dessous. Ce n’est pas qu’il y ait grand mal ; mais enfin, tout Calabrais qu’ils sont, ce sont des hommes.