Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/228

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tailleur. Notre guide essaya de nous faire voir, à quelques centaines de pas de la mer, la maison qu’habitait encore aujourd’hui cet heureux veuf ; mais quels que fussent les efforts et la bonne volonté que nous y mîmes, il nous fut impossible, à la distance dont nous en étions, de la distinguer au milieu de deux ou trois cents autres exactement pareilles.

Il était facile de voir que nous approchions de quelque lieu habité ; en effet, depuis une demi-heure à peu près, nous rencontrions, vêtues de costumes extrêmement pittoresques, des femmes portant des charges de bois sur leur épaules. Jadin profita du moment où l’une de ces femmes se reposait pour en faire un croquis. Notre guide, interrogé par nous sur leur patrie, nous apprit qu’elles appartenaient au village de Triolo.

Au bout d’une autre heure nous aperçûmes le village. Une seule auberge, placée sur la grande route, ouvrait sa porte aux voyageurs : une certaine propreté extérieure nous prévint en sa faveur ; en effet, elle était bâtie à neuf, et ceux qui l’habitaient n’avaient point encore eu le temps de la salir tout à fait.

Nous remarquâmes, en nous installant dans notre chambre, que les divisions intérieures étaient en planches de sapin et non en murs de pierres ; nous demandâmes les causes de cette singularité, et l’on nous répondit que c’était à cause des fréquens tremblemens de terre ; en effet, grâce à cette précaution, notre logis avait fort peu souffert des dernières secousses, tandis que plusieurs maisons de Triolo étaient déjà fort endommagées.

Nous étions écrasés de fatigue, moins de la route parcourue que de la privation du sommeil, de sorte que nous ne nous occupâmes que de notre souper et de son lits. Notre souper fut encore assez facile à organiser ; quant à nos lits, ce fut autre chose : deux voyageurs qui étaient arrivés dans la journée, et qui dans ce moment-là visitaient les ravages que le tremblement de terre avait faits à Triolo, avaient pris les deux seules paires de draps blancs qui se trouvassent dans l’hôtel, de sorte qu’il fallait nous contenter des autres. Nous nous informâmes alors sérieusement de l’époque fixe où cette disette de linge cesserait, et notre hôte nous assu-