Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/231

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devoir s’améliorer beaucoup pendant la journée, qui devait être longue et fatigante, puisque nous ne pouvions nous arrêter qu’à Rogliano, c’est-à-dire à dix lieues d’où nous étions à peu près. Il était huit heures du matin ; en supposant sur la route une halte de deux heures pour notre guide et nos mulets, nous ne pouvions donc guère espérer que d’arriver à huit heures du soir.

A peine fûmes-nous partis, que la pluie recommença. Le mois d’octobre, ordinairement assez beau en Calabre, était tout dérangé par le tremblement de terre. Au reste, depuis deux ou trois jours, et à mesure que nous approchions de Cosenza, le tremblement de terre devenait la cause ou plutôt le prétexte de tous ces malheurs qui nous arrivaient. C’était la léthargie du Légataire universel.

Vers midi nous fîmes notre halte : cette fois nous avions pris le soin d’emporter avec nous du pain, du vin et un poulet rôti, de sorte qu’il ne nous manqua, pour faire un excellent déjeuner, qu’un rayon de soleil ; mais, loin de là, le temps s’obscurcissait de plus en plus, et d’énormes masses de nuages passaient dans le ciel, chassés par un vent du midi qui, tout en nous présageant l’orage, avait cependant cela de bon, qu’il nous donnait l’assurance que notre speronare devait, à moins de mauvaise volonté de sa part, être en route pour nous rejoindre. Or, notre réunion devenait urgente pour mille raisons, dont la principale était l’épuisement prochain de nos finances.

Vers les deux heures, l’orage dont nous étions menacés depuis le matin éclata : il faut avoir éprouvé un orage dans les pays méridionaux, pour se faire une idée de la confusion où le vent, la pluie, le tonnerre, la grêle et les éclairs peuvent mettre la nature. Nous nous avancions par une route extrêmement escarpée et dominant des précipices, de sorte que, de temps en temps, nous trouvant au milieu des images qui couraient avec rapidité chassés par le vent, nous étions obligés d’arrêter nos mulets ; car, cessant entièrement de voir à trois pas autour de nous, il eût été très possible que nos montures nous précipitassent du haut en bas de quelque rocher. Bientôt les torrens se mêlèrent de la partie et se mirent à bondir du haut en bas des montagnes ; enfin nos mu-