Aller au contenu

Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au paysan sicilien la liberté de parcourir la Sicile en tous sens, un couteau à sa ceinture et un fusil sur son épaule, et le paysan sicilien sera content ; il veut être indépendant, ne comprenant pas encore ce que c’est que d’être libre.

Donnons une idée de la façon dont le gouvernement napolitain répond à ce double désir.

Il y a à Palerme une grande place qu’on appelle la place du Marché-Neuf. C’était autrefois un pâté de maisons, sillonné de rues étroites et sombres, et habité par une population particulière, à peu près comme sont les Catalans à Marseille, et qu’on appelait les Conciapelle. De temps immémorial ils ne payaient aucune contribution ; et quoiqu’on n’ait aucun document bien positif sur cette franchise, il y a tout lieu de croire qu’elle remonte à l’époque des Vêpres siciliennes, et qu’elle aura été accordée en récompense de la conduite que les Conciapelle avaient tenue dans cette grande circonstance. Au reste, toujours armés : l’enfant, presque au sortir du berceau, recevait un fusil qu’il ne déposait qu’au moment d’entrer dans la tombe.

En 1821, les Conciapelle se levèrent en masse contre les Napolitains et firent des merveilles ; mais lorsque les Autrichiens eurent replacé Ferdinand sur le trône, le général Nunziante fut envoyé pour punir les Siciliens de ces nouvelles Vêpres. Les Conciapelle lui furent signalés les plus incorrigibles de la ville de Palerme, et il fut décidé que le fouet de la vengeance royale tomberait sur eux. En conséquence, pendant une belle nuit, et tandis que les Conciapelle, se reposant sur leurs vieilles franchises, dormaient à côté de leurs fusils, le général Nunziante fit braquer des pièces de canon à l’entrée de chaque rue, et cerner tout le pâté par un cordon de soldats : en se réveillant, les pauvres diables se trouvèrent prisonniers.

Si braves que fussent les Conciapelle, il n’y avait pas moyen de se défendre ; aussi force leur fut-il de se rendre à discrétion. Le premier soin du général Nunziante fut de leur enlever leurs armes : on chargea trente charrettes de fusils, et on les exila hors des murs de Palerme, avec la permission d’y rentrer seulement dans la journée pour leurs affaires, mais avec défense d’y passer la nuit.