Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/40

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ministère public, voit s’amasser contre lui une quantité de semi-preuves suffisantes pour qu’on demande l’application de la torture. La demande en est faite à Cambo, qui écrit au-dessous de la demande le mot accordé.

Au troisième tour d’estrapade, la douleur est si forte que le malheureux boulanger ne peut plus la supporter, et déclare que c’est lui qui est l’assassin. Cambo prononce la peine de mort.

Le condamné se pourvoit en grâce : le pourvoi est rejeté.

Trois jours après le rejet du pourvoi le condamné est pendu !

Six mois s’écoulent : le véritable assassin est arrêté au moment où il commet un autre meurtre. Condamné à son tour, il avoue alors qu’un innocent a été tué à sa place, et que c’est lui qui a commis le premier assassinat pour lequel a été pendu le malheureux boulanger.

— Seulement, ce qui l’étonné, ajouta-t-il, c’est que la sentence ait été prononcée par le juge Cambo, qui a dû tout voir, attendu qu’il l’a parfaitement distingué à travers sa jalousie.

On s’informe auprès du juge si le condamné ne cherche pas a en imposer à la justice ; Cambo répond que ce qu’il dit est l’exacte vérité, et qu’il a été effectivement depuis le commencement jusqu’à la fin spectateur du drame sanglant qui s’est passé sous sa fenêtre.

Le roi Ferdinand apprend cette étrange circonstance : il était alors à Palerme. Il fait venir Cambo devant lui.

— Pourquoi, lui dit-il, au fait comme tu l’étais des moindres circonstances de l’assassinat, as-tu laissé condamner un innocent, et n’as-tu pas dénoncé le vrai coupable ?

— Sire, répondit Cambo, parce que la législation est positive : elle dit que le juge ne peut être ni témoin ni accusateur ; j’aurais donc été contre la loi si j’avais accusé le coupable ou témoigné en faveur de l’innocent.

— Mais, dit Ferdinand, tu aurais bien pu au moins ne pas le condamner.

— Impossible de faire autrement, sire : les preuves étaient suffisantes pour qu’on lui donnât la torture, et pendant la torture il a avoué qu’il était coupable.