Aller au contenu

Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

demie. Mais notre hôte insista tant et si fort que nous n’eûmes le courage de le quitter qu’à six heures.

Avant de prendre congé de lui, il nous fit promettre que pendant la soirée nous regarderions de temps en temps du côté de sa terrasse, attendu qu’il nous ménageait une dernière surprise. Nous nous y engageâmes.

Toute la famille vint nous conduire jusqu’au bord de la mer. Le chef de la police avait bien envie de nous chercher noise, attendu l’heure avancée de notre départ ; mais un mot du gouverneur, qui déclara que c’était lui qui nous avait retenus, aplanit toutes les difficultés.

Nous étions déjà sur le speronare, et nous allions lever l’ancre, lorsque nous vîmes un frère franciscain qui accourait en nous faisant de grands signes ; nous envoyâmes Pietro à bord avec la barque, pour savoir ce que le bon moine nous voulait. Un frère m’avait vu déposer notre offrande dans le tronc et l’avait ouvert ; de sorte que le supérieur, trouvant que nous avions trop largement payé notre hospitalité, nous envoyait une petite barrique de ce malvoisie de Lipari, que nous avions trouvé si bon la veille.

Pendant ce temps-là, l’équipage avait levé l’ancre ; nous saluâmes encore une fois notre gouverneur de la main, et, nos hommes commençant à jouer vigoureusement des avirons, nous nous trouvâmes en un instant hors du port.

Dix minutes après, nous revîmes notre gouverneur sur sa terrasse, agitant son mouchoir de toute sa force. Nous lui rendîmes signe pour signe, présumant cependant que ce n’était point encore là la surprise qu’il nous avait annoncée.

Nous fûmes un instant distraits de l’attention que nous portions à notre hôte par l’Ave Maria. Nous nous étions fait nous-mêmes une habitude de cette prière ; et quoique revenu à terre et séparé de nos matelots, je fus longtemps à ne jamais laisser passer cette heure sans penser à la solennité qu’elle me rappelait.

L’Ave Maria fini, nous nous retournâmes vers Lipari. Le soleil s’abaissait derrière le Campo-Bianco, enveloppant de ses rayons toute l’île qui se détachait en vigueur sur un fond d’or. Au reste, comme nous avions le vent contraire, et que nous ne marchions qu’à la rame, nous ne nous éloignions