Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/136

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— Regarde et tranquillise-toi, répondit le chef en étendant la main vers le sud.

En effet, à l’horizon méridional, une lumière dorée commençait à se répandre, tandis qu’au contraire, en se retournant vers le nord, on apercevait tout le paysage plongé dans l’obscurité ; alors la tête de la colonne devait être au moins parvenue à l’embouchure de la rivière Saint-Laurent. Elle avait fait en un quart d’heure le chemin que la barque avait parcouru en quatre jours. Au reste, la nappe grise continuait de passer comme si les génies du pôle l’eussent tirée à eux, tandis que le jour, rapide à son tour, ainsi que l’avait été la nuit, venait à grande course, descendant à flots sur les montagnes, ruisselant dans les vallées et s’étendant à la surface des prairies. Enfin, l’arrière-garde volante passa ainsi qu’une vapeur sur le visage du soleil, qui, ce dernier voile disparu, continua de sourire à la terre.

Si brave que fût le capitaine Pamphile, et quelque peu de danger qu’il y eût dans les phénomènes qu’il venait de voir s’accomplir, il n’en avait pas moins été mal à l’aise tout le temps qu’avait duré cette nuit factice. Ce fut donc avec une joie véritable qu’il salua la lumière, reprit sa pagaie et se mit à ramer, tandis que les autres serviteurs du Serpent-Noir plumaient les pigeons qu’il avait abattu avec son fusil et eux avec leurs flèches.

Le lendemain, la barque passa devant Montréal comme elle avait passé devant Québec, sans que le Serpent-Noir manifestât le moins du monde l’intention de s’arrêter dans cette ville ; il fit, au contraire, un signe aux ra-