Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/144

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Alors la folie et le délire triomphèrent complètement ; le capitaine Pamphile sentit d’abord son arbre se mouvoir, se courbant et se relevant comme les mâts d’un vaisseau pendant la tempête ; puis il lui sembla qu’il faisait, pour arracher ses racines du sol, des efforts pareils à ceux que tente un homme dont les pieds sont enfoncés dans un marais ; après quelques instants de lutte, le chêne réussit, et, de cette blessure qu’il avait faite à la terre sortirent des flots de sang que les loups se mirent à boire ; l’arbre profita de leur avidité pour s’éloigner d’eux et fuir, mais seulement par secousse, et comme un invalide qui sautille sur une jambe de bois. Bientôt, leur pâture épuisée, les loups, les démons, les vampires, dont croyait être débarrassé le brave capitaine, se mirent à sa poursuite ; ils étaient conduits par une vieille femme dont on ne pouvait apercevoir la figure, et qui tenait un couteau à la main ; et tout cela courait d’une course insensée.

Enfin l’arbre, lassé, haletant, essoufflé, parut manquer de force, et se coucha comme un homme éperdu ; alors, les loups, les démons, toujours conduits par la vieille femme, s’approchèrent avec leurs yeux brûlants et leurs langues sanglantes ; le capitaine jeta un cri et voulut étendre les bras, mais aussitôt un sifflement aigu se fit entendre derrière sa tête, une impression glacée courut par tout son corps : il lui sembla sentir que de froids anneaux l’étouffaient en l’enlaçant ; puis cette impression diminua graduellement, les fantômes disparurent, les hurlements s’éteignirent, l’arbre éprouva encore quelques secousses, et tout rentra dans le silence et l’obscurité.