Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/148

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saient rapprochés les uns des autres, droits et élancés comme des colonnes, et comme des colonnes supportant un toit impénétrable à la lumière. Le vent lui-même passait sur ce dôme de verdure, mais sans se glisser dans ce séjour des ombres : on eût dit que, depuis la création, toute cette partie de la forêt avait sommeillé dans un crépuscule éternel.

À la lueur blafarde de ce demi-jour, le capitaine Pamphile voyait de grands oiseaux dont il lui semblait impossible de distinguer l’espèce, des écureuils ailés sauter légèrement et voler en silence d’une branche à l’autre ; dans ces espèces de limbes, tout paraissait avoir perdu sa couleur naturelle et primitive pour prendre la teinte cendrée des papillons nocturnes ; un daim, un lièvre et un renard qui se levèrent au bruit des pas de celui qui troublait leur demeure, tout en gardant des formes différentes, semblaient avoir revêtu la livrée monotone et uniforme de la mousse sur laquelle ils couraient sans bruit.

De temps en temps, le capitaine Pamphile s’arrêtait les yeux fixes : des champignons fauves et gigantesques, appuyés les uns aux autres comme des boucliers, formaient des groupes si ressemblants par leur couleur et leur dimension à des lions couchés, que, quoiqu’il sût parfaitement que ce roi de la création n’habitait pas cette partie de son empire, il tressaillait au témoignage de ses yeux.

De grandes plantes grimpantes et parasites, à qui la respiration semblait manquer, se tordaient autour des arbres, montaient avec eux, s’accrochant aux branches,