Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/198

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leur et se félicitant d’avoir reçu du ciel une imagination aussi fertile en ressources.

Le lendemain, en se réveillant, il chercha un instant où il était ; puis, reconnaissant son atelier, ses yeux, dirigés par la préoccupation paternelle qu’éprouve l’artiste pour son œuvre, se tournèrent vers son chevalet ; Jacques II était assis sur le dossier d’une chaise, juste à la hauteur et à la portée du tableau. Tony crut, au premier coup d’œil, que l’intelligent animal, à force de voir la peinture, était décidément devenu connaisseur, et que, comme il paraissait regarder la toile de très-près, il admirait le fini de l’exécution. Mais bientôt Tony s’aperçut qu’il était tombé dans une erreur profonde : Jacques II adorait le blanc de plomb, et, comme le tableau de Coligny était à peu près terminé, et que Tony avait fait toutes ses lumières avec cet ingrédient, Jacques passait sa langue partout où il en pouvait trouver.

Tony sauta à bas de son lit, et Jacques à bas de sa chaise ; mais il était trop tard, tous les nus exécutés au moyen de cette couleur avaient été léchés jusqu’à la toile, de sorte que le cadavre de l’amiral était déjà avalé ; il y avait encore la potence et la corde, mais il n’y avait plus de pendu. C’était une exécution à refaire.

Tony commença par se mettre dans une atroce colère contre Jacques ; puis, réfléchissant qu’à tout prendre, c’était sa faute, puisqu’il n’aurait eu qu’à l’attacher, il alla chercher une chaîne et un crampon, scella le crampon dans le mur, y fixa un bout de la chaîne, et, ayant ainsi tout préparé pour la nuit suivante, il se remit d’ardeur à