tude tous les Tatars. Ceux-ci subjugués, il en fit autant des Merkits et des Mecrits. »
Or, voici ce que décide la science moderne :
C’est que les Yeka-Mongals, — dont elle a fait Mongols, — c’est-à-dire les grands Mongols, parmi lesquels était né ce certain Chingis, qui n’est autre que Gengis-Kan, n’étaient rien autre chose que des Tatars noirs, et que les Su-Mongals étaient les Tatars blancs.
Au reste, ce qu’il y a de curieux, c’est que les Yeka-Mongals en anéantissant les Tatars blancs, commencèrent eux-mêmes à prendre le nom des vaincus, et à s’appeler Tatars, ou plutôt à être appelés Tatars, quoiqu’ils aient toujours repoussé cette dénomination comme celle d’un peuple vaincu.
Les Tatars sont inconnus aux auteurs arabes du dixième siècle.
Massoudi, qui écrivait en 950, sous le nom de la Prairie dorée et les Mines de pierre précieuse, son histoire générale des royaumes les plus connus des trois parties du monde, ne parle ni des Mongols, ni des Tatars.
Ebn-Haoucal, son contemporain, auteur d’une géographie intitulée Kitaab Messaalek, n’en parle pas davantage.
D’Ohson, dans son Histoire des Mongols, cite un abrégé d’histoire universelle persane où les Tatars sont appelés un peuple célèbre dans tout l’univers.
Qu’avaient maintenant de commun les Tatars et les Mongols ?
C’est ce que le même Duplan de Carpin nous dit en une phrase, et de la façon la plus simple du monde, en commençant son histoire des Mongols par ces mots :
C’est-à-dire :
— Là commence l’histoire des Mongals que nous appelons Tatars.
Il résulte de cette phrase qu’au milieu du treizième siècle, c’est-à-dire à l’époque où écrivait Jean de Carpin, les Mongols étaient déjà appelés Tatars, soit que Mongols et Tatars n’aient jamais fait qu’une seule nation, ou plutôt les deux branches d’une seule nation, comme le prétend Duplan de Carpin ;
Soit que, faisant deux nations différentes, la nation conquérante ait pris le nom de la nation conquise.
Il en résulta une chose, probablement due à l’auteur que nous venons de citer, c’est que le nom de Mongols prévalut en Asie, et que le nom de Tatars prévalut en Europe, quoiqu’à partir de la défaite des Su-Mongals ou des Tatars blancs par les Yeka-Mongals, les deux peuples n’en eussent plus fait qu’un.
Maintenant, dans sa marche de l’Orient en Occident, de la Chine en Perse, Gengis-Kan entraîna tout naturellement avec lui les peuples du Turquistan qu’il rencontra sur les bords orientaux de la mer Caspienne. Ces peuples, comme une inondation, allèrent se briser à la base de ce gigantesque rocher qu’on appelle le Caucase, tandis que leur reflux couvrait Astrakan et Kasan d’un côté, Bakou et l’Inchoran de l’autre, s’écoulant par deux grands courants, l’un vers la Crimée, l’autre vers l’Arménie.
Naturellement les Turcomans, venant de moins loin, furent les premiers à s’arrêter.
Mais les peuples envahis ne firent pas, eux, de différence entre les envahisseurs. Tout fut pour eux Mongol ou Tatar ; et comme la dénomination Tatar l’avait, pour l’Europe, emporté sur la dénomination Mongol, tout fut Tatar.
Ce furent ces Tatars qui fondèrent, entre le Dniester et l’Emba, le royaume de Kaptschak, qui s’appela la Horde d’or, du mot orda, qui veut dire tente, et dont nous avons fait par corruption la Horde d’or.
Ce fut ainsi que la langue turque resta prédominante dans tout le Kaptschak, chez les Baskirs et les Tchouvaches ; que la langue mongole disparut, et que les descendants des conquérants ne savent plus parler et ne peuvent plus lire la langue de leurs pères.
En 1463, au moment où la Russie, sous le règne d’Ivan III, commença de réagir contre l’invasion tatare qui pesait sur elle depuis plus de deux siècles, le royaume de Kaptschak ou la Horde d’or était divisé en cinq khanats particuliers :
Le khanat des Tatars-Nogaïs, établi entre le Don et le Dniester. Ne pas confondre avec le Dniéper ;
Le khanat d’Astrakan, entre le Volga, le Don et le Caucase ;
Le khanat de Kaptschak, entre l’Oural et le Volga ;
Le khanat de Kasan, entre Samara et Viatka ;
Enfin, le khanat de Crimée.
Le khanat de Crimée devint tributaire des Russes sous Ivan III, en 1474.
Le khanat de Kaptschak fut détruit par le même czar, en 1481.
Le khanat de Kasan fut conquis par Ivan IV, en 1552.
Le Khanat d’Astrakan se soumit au même, en 1554.
Enfin, le khanat des Tatars-Nogaïs fut soumis au dix-huitième siècle par Catherine II.
Au reste, que ceux de nos lecteurs qui ne seront pas satisfaits des explications que nous donnons ici consultent :
L’Asia polyglotta, de Klaproth ;
Histoire de la Russie, de Lévêque ;
Histoire des Cosaques, de Lesur ;
Histoire des Mongols, de d’Ohson ;
Et par-dessus tout, comme nous l’avons dit, les Steppes, de notre compatriote Hommaire, de Hall.
Nous demandons pardon à nos lecteurs de faire ce chapitre si court ; mais notre avis est qu’étant peu amusant, nous l’avouons nous-même, moins long il est, meilleur il est.
Revenons donc à Tchiriourth, où nous allions entrer quand cette malheureuse idée nous a pris de donner à notre tour notre avis sur les Mongols et les Tatars.
CHAPITRE XIII.
Nous nous informâmes où demeurait le prince Dundukoff-Korsakoff ; on nous indiqua la ville haute, c’est-à-dire l’extrémité opposée à celle par laquelle nous abordions Tchiriourth.
Depuis Schoukovaïa nous entendions incessamment nommer le prince Dundukoff-Korsakoff ; à tout propos et toujours à sa louange son nom retentissait.
Il y a des noms de fleuves, de villes et d’hommes qui ont leur retentissement avant qu’on les aborde.