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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/222

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devez tout savoir. Eh bien, c’était le jour où votre nomination d’officier de la Légion d’honneur fut publiée dans le journal. Nous étions tous chez mon grand-père, M. Noirtier, et de plus il y avait encore M. Danglars, vous savez ce banquier dont les chevaux ont avant-hier failli tuer ma mère et mon frère ? Je lisais le journal tout haut à mon grand-père pendant que ces messieurs causaient du mariage de mademoiselle Danglars. Lorsque j’en vins au paragraphe qui vous concernait et que j’avais déjà lu, car dès la veille au matin vous m’aviez annoncé cette bonne nouvelle ; lorsque j’en vins, dis-je, au paragraphe qui vous concernait, j’étais bien heureuse… mais aussi bien tremblante d’être forcée de prononcer tout haut votre nom et certainement je l’eusse omis sans la crainte que j’éprouvais qu’on interprétât mal mon silence ; donc je rassemblai tout mon courage, et je lus.

— Chère Valentine !

— Eh bien, aussitôt que résonna votre nom, mon père tourna la tête. J’étais si persuadée (voyez comme je suis folle !) que tout le monde allait être frappé de ce nom comme d’un coup de foudre, que je crus voir tressaillir mon père et même (pour celui-là c’était une illusion, j’en suis sûre), et même M. Danglars.

— Morrel, dit mon père, attendez donc ! (Il fronça le sourcil.) Serait-ce un de ces Morrel de Marseille, un de ces enragés bonapartistes qui nous ont donné tant de mal en 1815 ?

— Oui, répondit M. Danglars ; je crois même que c’est le fils de l’ancien armateur.

— Vraiment ! fit Maximilien. Et que répondit votre père, dites, Valentine ?

— Oh ! une chose affreuse et que je n’ose vous redire.

— Dites toujours, reprit Maximilien en souriant.