Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/98

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tiennent leur parole. Vous trouvez qu’on a bien fait de tuer mon frère qui était bonapartiste, parce que vous êtes royaliste, vous ; eh bien, moi, qui suis bonapartiste aussi, je vous déclare une chose : c’est que je vous tuerai, vous. À partir de ce moment je vous déclare la vendetta ; ainsi, tenez-vous bien, et gardez-vous de votre mieux, car la première fois que nous nous trouverons face à face, c’est que votre dernière heure sera venue. »

Et là-dessus, avant qu’il fût revenu de sa surprise j’ouvris la porte et je m’enfuis.

— Ah ! Ah ! dit Monte-Cristo, avec votre honnête figure, vous faites de ces choses-là, monsieur Bertuccio, et à un procureur du roi, encore ! Fi donc ! et savait-il au moins ce que cela voulait dire ce mot vendetta ?

— Il le savait si bien qu’à partir de ce moment il ne sortit plus seul et se calfeutra chez lui, me faisant chercher partout. Heureusement j’étais si bien caché qu’il ne put me trouver. Alors la peur le prit ; il trembla de rester plus longtemps à Nîmes ; il sollicita son changement de résidence, et, comme c’était en effet un homme influent, il fut nommé à Versailles ; mais, vous le savez, il n’y a pas de distance pour un Corse qui a juré de se venger de son ennemi, et sa voiture, si bien menée qu’elle fût, n’a jamais eu plus d’une demi-journée d’avance sur moi, qui cependant la suivis à pied.

L’important n’était pas de le tuer, cent fois j’en avais trouvé l’occasion ; mais il fallait le tuer sans être découvert et surtout sans être arrêté. Désormais je ne m’appartenais plus : j’avais à protéger et à nourrir ma belle-sœur. Pendant trois mois je guettai M. de Villefort ; pendant trois mois il ne fit pas un pas, une démarche, une promenade, que mon regard ne le suivît là où il