Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/99

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allait. Enfin, je découvris qu’il venait mystérieusement à Auteuil : je le suivis encore et je le vis entrer dans cette maison où nous sommes ; seulement, au lieu d’entrer comme tout le monde par la grande porte de la rue, il venait soit à cheval, soit en voiture, laissait voiture ou cheval à l’auberge, et entrait par cette petite porte que vous voyez là.

Monte-Cristo fit de la tête un signe qui prouvait qu’au milieu de l’obscurité il distinguait en effet l’entrée indiquée par Bertuccio.

— Je n’avais plus besoin de rester à Versailles, je me fixai à Auteuil et je m’informai. Si je voulais le prendre, c’était évidemment là qu’il me fallait tendre mon piège.

La maison appartenait, comme le concierge l’a dit à Votre Excellence, à M. de Saint-Méran, beau père de Villefort. M. de Saint-Méran habitait Marseille ; par conséquent, cette campagne lui était inutile : aussi disait-on qu’il venait de la louer à une jeune veuve que l’on ne connaissait que sous le nom de la baronne.

En effet, un soir, en regardant par-dessus le mur, je vis une femme jeune et belle qui se promenait seule dans ce jardin, que nulle fenêtre étrangère ne dominait ; elle regardait fréquemment du côté de la petite porte, et je compris que ce soir-là elle attendait M. de Villefort. Lorsqu’elle fut assez près de moi pour que malgré l’obscurité je pusse distinguer ses traits, je vis une belle jeune femme de dix-huit à dix-neuf ans, grande et blonde. Comme elle était en simple peignoir et que rien ne gênait sa taille, je pus remarquer qu’elle était enceinte et que sa grossesse même paraissait avancée.

Quelques moments après, on ouvrit la petite porte ; un homme entra ; la jeune femme courut le plus vite qu’elle put à sa rencontre ; ils se jetèrent dans les bras