Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

IX

LE PARTAGE.

Dans cet hôtel de la rue Saint-Germain-des-Prés, qu’avait choisi pour sa mère et pour lui Albert de Morcerf, le premier étage, composé d’un petit appartement complet, était loué à un personnage fort mystérieux.

Ce personnage était un homme dont jamais le concierge lui-même n’avait pu voir la figure, soit qu’il entrât ou qu’il sortît ; car l’hiver il s’enfonçait le menton dans une de ces cravates rouges comme en ont les cochers de bonne maison qui attendent leurs maîtres à la sortie des spectacles, et l’été il se mouchait toujours précisément au moment où il eût pu être aperçu en passant devant la loge. Il faut dire que, contrairement à tous les usages reçus, cet habitant de l’hôtel n’était épié par personne, et que le bruit qui courait que son incognito cachait un individu très haut placé, et ayant le bras long, avait fait respecter ses mystérieuses apparitions.

Ses visites étaient ordinairement fixes, quoique parfois elles fussent avancées ou retardées ; mais presque toujours, hiver ou été, c’était vers quatre heures qu’il prenait possession de son appartement, dans lequel il ne passait jamais la nuit.

À trois heures et demie, l’hiver, le feu était allumé par la servante discrète qui avait l’intendance du petit appartement ; à trois heures et demie, l’été, des glaces étaient montées par la même servante.

À quatre heures, comme nous l’avons dit, le personnage mystérieux arrivait.