Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/110

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appelé Millette, et celle ci quitta son fils après l’avoir tendrement embrassé.

Marius quitta le cabanon le cœur bien gros et les yeux mouillés de larmes ; pendant toute la nuit son imagination d’homme du Midi avait fait bien du chemin. Il avait dix-neuf ans, et ce n’est point à cet âge que les obstacles de la naissance et de la fortune contrarient les heureuses chimères dans leur essor ; il avait caressé d’heureux songes ; il avait vu selon le désir que Madeleine lui exprimait dans sa lettre, des relations quotidiennes s’établir entre les deux habitations voisines, et, à la faveur de ces relations, la passion qu’il sentait naître dans son cœur pour la jeune fille prendre les proportions d’un amour partagé. La rancunière colère de M. Coumbes venait, en s’exhalant, de souffler sur les charmants fantômes qui avaient peuplé ses rêveries et de les disperser ; en sortant de l’espèce d’ivresse qu’il avait subie, il se retrouvait dans un monde qui lui semblait tout nouveau, et dont les réalités lui paraissaient bien tristes. Remis en possession de sa raison, il mesurait la distance qui le séparait de Mlle Madeleine : pour la première fois depuis vingt-quatre heures, il se rappela ce qu’il était, sa naissance, l’humble condition de l’ancien artisan dont il portait le nom, l’avenir modeste auquel il se trouvait condamné.

Marius possédait assez de grandeur d’âme pour ne