Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/141

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– Faites-lui respirer ces sels, dit Madeleine, qui s’était rapprochée, en tendant un flacon au jeune homme.

Sous l’impression stimulante, le malheureux reprit ses sens ; ses yeux, jusqu’alors fixes et ternes, s’éclaircirent et se vivifièrent ; mais, à la grande surprise des deux jeunes gens, ces yeux ne se fixèrent sur eux qu’avec une expression d’appréhension anxieuse très remarquable : après quoi, ils fouillèrent tous les alentours pour s’assurer s’il n’y avait pas là d’autres témoins.

Marius et Madeleine purent alors observer avec plus d’attention l’inconnu, c’était un de ces hommes qui portent si fortement accusée sur leur visage l’empreinte de toutes les passions mauvaises, qu’il semble impossible de leur assigner un âge. Ses prunelles, fortement rougies par des excès alcooliques, encavées dans des orbites couronnées de sourcil épais et grisonnants, avaient un caractère de férocité que ne démentait pas sa bouche contractée aux deux extrémités ; des rides profondes sillonnaient ses joues à moitié cachées par une barbe longue et hérissée ; son front était considérablement déprimé, des cheveux coupés très ras en dessinaient nettement le contour, et cette disposition de la partie supérieure de sa figure, jointe au développement des os maxillaires, achevait de lui donner une physionomie bestiale.