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VIII

les souhaits de thibault


En remarquant l’effet que faisait sur Landry la vue des militaires qui s’avançaient vers le moulin, la veuve Polet fut presque aussi effrayée que son premier garçon.

– Eh ! mon Dieu ! demanda-t-elle, qu’il y a-t-il donc, mon pauvre Landry ?

– Oui, qu’y a-t-il ? demanda à son tour Thibault.

Seulement, la voix lui tremblait tant soit peu en faisant la demande.

– Il y a, reprit Landry, que, dans un moment de désespoir, jeudi dernier, j’ai rencontré le racoleur à l’hôtel du Dauphin, et que je me suis engagé.

– Dans un moment de désespoir ! s’écria la meunière ; et pourquoi désespériez-vous ?

– Je désespérais, dit Landry en faisant un effort, je désespérais parce que je vous aimais.

– Et c’est parce que vous m’aimiez, malheureux ! que vous vous êtes fait soldat ?

– Ne m’aviez-vous pas dit que vous me chasseriez du moulin ?

– Vous en avais-je chassé ? demanda la meunière avec une expression à laquelle il n’y avait point à se tromper.

– Oh ! mon Dieu ! demanda Landry, vous ne m’auriez donc pas renvoyé ?

– Pauvre garçon ! dit la meunière avec un sourire et un haussement d’épaules qui, dans un autre moment, eussent fait pâmer Landry de joie, et qui, dans celui où l’on se trouvait, redoublèrent sa douleur.