Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/155

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la tête haute et d’un air aussi déterminé que s’il allait à la conquête de la Toison d’or.

En effet, il songeait, lui, le fiancé de la pauvre Agnelette, lui, l’amoureux éconduit de la belle meunière, il songeait non seulement à tout le plaisir, mais encore à tout l’orgueil qui lui reviendrait d’être aimé d’une baillive, et tout le parti qu’il y aurait à tirer d’une bonne fortune si désirée et si inattendue.

Or, comme, de son côté, dame Magloire était non seulement fort rêveuse, mais fort distraite, regardant à droite et à gauche, devant et derrière, comme si elle cherchait quelqu’un, la conversation eût été assez languissante durant tout le chemin, si l’excellent petit bonhomme, en trottinant tantôt du côté de Thibault, tantôt du côté de Suzanne, et en se dodelinant comme un canard qui revient des champs la panse pleine, n’en eût fait à peu près tous les frais.

Thibault calculant, la baillive rêvant, le bailli trottinant, parlant et s’essuyant le front avec un fin mouchoir de batiste, on arriva au village d’Erneville, distant d’un peu plus d’une demi-lieue des étangs de Poudron.

C’était dans ce charmant petit village, situé entre Haramont et Bonneuil, à quatre ou cinq portées de fusil seulement du château de Vez, demeure du seigneur Jean, que maître Magloire avait le siège de sa magistrature.



XI

david et goliath


On traversa tout le village et l’on s’arrêta, entre la route de Longpré et d’Haramont, devant une maison de belle apparence.