Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/204

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Thibault oubliait quel rang tenaient, dans la chaîne des êtres créés, les animaux qui l’aimaient.

Il ne songeait plus que ces animaux qui l’aimaient étaient les animaux qui haïssent l’homme et que l’homme maudit.

Il ne réfléchissait pas que ces animaux l’aimaient parce qu’il était devenu, parmi les hommes, ce qu’ils étaient, eux, parmi les animaux :

Une créature de nuit !

Un homme de proie !

Avec la réunion de tous ces animaux, Thibault ne pouvait pas faire un atome de bien.

Mais, en échange, il pouvait faire beaucoup de mal.

Thibault sourit au mal qu’il pouvait faire.

Il était à une lieue encore de sa cabane : il se sentait fatigué. Il connaissait aux environs un grand chêne creux, il s’orienta et chemina vers ce chêne.

Il n’en aurait pas su le chemin que les loups le lui eussent montré, comme s’ils eussent pénétré sa pensée et deviné ce qu’il cherchait. Tandis que chouettes et hiboux sautillaient de branche en branche comme pour éclairer son chemin, les loups trottaient devant lui pour le lui montrer.

L’arbre était à vingt pas de la route. C’était, nous l’avons dit, un vieux chêne qui ne comptait point par années, mais par siècles.

Les arbres qui vivent dix, vingt, trente existences d’homme, ne comptent pas, comme les hommes, par jours et par nuits, ils comptent par saisons.

L’automne est leur crépuscule, l’hiver est leur nuit. Le printemps est leur aube, l’été leur jour.

L’homme envie l’arbre, l’éphémère envie l’homme.

Le tronc du vieux chêne n’eût pas été encerclé par les bras de quarante hommes réunis.

Le creux que le temps y avait formé, en faisant tom-