Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

-vous assez vile pour accepter votre main teinte du sang de celui dont je porte le nom ?

– Agnelette, dit Thibault en se mettant à genoux, Agnelette, épargne-moi un nouveau crime !

– Le crime viendra de vous et non pas de moi. Je puis vous donner ma vie, Thibault, mais je ne vous donnerai pas mon honneur.

– Oh ! fit Thibault rugissant, l’amour sort du cœur quand la haine y entre ; prends garde, Agnelette ! prends garde à ton mari ! Le démon est en moi et va parler par ma bouche. Au lieu des consolations que je demandais à ton amour et que ton amour me refuse, j’aurai celle de la vengeance. Agnelette, arrête, il en est temps encore, arrête ma main qui maudit, arrête ma main qui condamne, ou sinon, tu comprends bien que ce n’est plus moi, tu comprends bien que c’est toi qui le frappes ! Agnelette, tu le sais… Agnelette, tu ne me dis pas de ne point parler ? Eh bien, soyons donc maudits tous, toi, lui et moi ! Agnelette, je veux qu’Étienne Engoulevent meure, et il va mourir !

Agnelette jeta un cri terrible.

Puis, comme si sa raison protestait contre cet assassinat à distance et qui lui semblait impossible :

– Mais non, dit-elle, ce que vous dites là, c’est pour m’épouvanter, et mes prières prévaudront sur vos malédictions.

– Va donc apprendre comment le ciel les exauce, tes prières. Seulement, si tu veux retrouver ton époux vivant, hâte-toi, Agnelette, car tu risques de trébucher sur un cadavre.

Dominée par l’accent de conviction avec lequel le meneur de loups prononçait ces paroles, et cédant à un irrésistible mouvement de terreur, Agnelette, sans répondre à Thibault, debout sur le revers du fossé et la main étendue vers Préciamont, Agnelette se mit à