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OTHON L’ARCHER

role, et à peine avait-il achevé, qu’une autre flèche, aussi habile et aussi rapide que la première, poursuivit le fuyard, qui poussa un nouveau cri au sifflement que fit entendre, en passant à quelques pouces seulement de lui, ce second messager de mort. Les archers applaudirent de nouveau.

— À mon tour, dit Othon.

Tous les regards se tournèrent de son côté ; car le héron, sans être hors de portée, commençait à atteindre une distance assez considérable, et, ayant d’air ce qu’il fallait à ses larges ailes, il filait avec une rapidité qui devait bientôt le mettre hors de tout danger. Othon avait sans doute aussi calculé tout cela, car ce ne fut qu’après avoir bien mesuré la distance des yeux, qu’il leva avec une attention lente sa flèche à la hauteur de l’animal ; puis, lorsqu’il l’eut amenée à la ligne de l’œil, il retira la corde presque derrière sa tête, à la manière des archers anglais, faisant plier son arc comme une baguette de saule. Un instant il demeura immobile comme une statue, puis tout à coup on entendit un léger sifflement, car la flèche était partie si rapide, que personne ne l’avait vue. Tous les yeux se portèrent sur l’oiseau, qui s’arrêta comme si un éclair invisible l’eût frappé, et qui tomba, percé de part en part, d’une hauteur telle qu’on n’eût pas même cru que la flèche aurait pu l’y suivre.

Les archers étaient stupéfaits ; une pareille preuve