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OTHON L’ARCHER

« Alors je me levai de ma tombe et je vins à la tienne. J’appuyai la main sur ton épaule pour t’éveiller de la mort. Je touchai du doigt tes paupières pour t’ouvrir les yeux ; je soufflai mon souffle sur tes lèvres pour te rendre la vie et la parole. Et maintenant, Rodolphe d’Alost, lève-toi ! car c’est la volonté du Christ que tu ailles au secours de Béatrix, et que tu restes près d’elle jusqu’au jour où elle te demandera qui tu es, d’où tu viens, et quel est celui qui t’a envoyé. »

« Godefroy avait à peine cessé de parler, que je sentis se rompre les liens qui m’attachaient au sépulcre. Je me dressai dans ma tombe aussi plein de vie qu’avant que j’eusse reçu le coup mortel, et, comme on m’avait enseveli dans ma cuirasse, je me retrouvai tout armé, à l’exception de mon épée, que j’avais laissée échapper en tombant, et que probablement on n’avait pu retrouver.

« Alors Godefroy me ceignit de son propre glaive, qui était d’or, me suspendit à l’épaule le cor dont il avait l’habitude de se servir au milieu de la mêlée, et passa à mon doigt l’anneau qui lui avait été donné par l’empereur Alexis. Puis, m’ayant embrassé :

« — Frère, » me dit-il, « Dieu me rappelle à lui, je le sens. Remets sur moi la pierre de ma tombe, et, ce soin accompli, va, sans perdre un instant, au secours de Béatrix. »

« À ces mots, il se recoucha dans son sépulcre, ferma les yeux et murmura une seconde fois :