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LES FRÈRES CORSES

la plume et signa lui-même, et, convertissant la honte en honneur, passa la plume à Orlandi, qui la prit de ses mains, signa et la passa à Lucien, lequel, usant du même subterfuge pacifique, la passa à son tour à Colona, qui fit sa croix.

Au moment même, les chants ecclésiastiques retentirent, comme on chante le Te Deum après une victoire.

Nous signâmes tous ensuite, sans distinction de rang ni de titre, comme la noblesse de France avait signé, cent vingt-trois ans auparavant, la protestation contre M. le duc du Maine.

Puis les deux héros de la journée entrèrent dans l’église et allèrent s’agenouiller de chaque côté du chœur, chacun à la place qui lui était destinée.

Je vis qu’à partir de ce moment. Lucien était parfaitement tranquille : tout était fini, la réconciliation était jurée, non-seulement devant les hommes, mais encore devant Dieu.

Le reste de l’office divin s’écoula donc sans aucun événement qui mérite d’être rapporté.

La messe terminée, Orlandi et Colona sortirent avec le même cérémonial.

À la porte, sur l’invitation du maire, ils se touchèrent encore la main ; puis chacun reprit, avec son cortége d’amis et de parents, le chemin de sa maison, où, depuis trois ans, ni l’un ni l’autre n’était rentré.