Page:Dumas - Les Frères Corses, 1881.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
LES FRÈRES CORSES

la rue qui conduisait à la rivière, il me suivit des yeux.

Tout était assez tranquille dans le village, quoiqu’on y pût remarquer encore cette espèce d’agitation qui suit les grands événements, et je m’éloignais en fixant, à mesure que je passais devant elle, les yeux sur chaque porte, comptant toujours en voir sortir mon filleul Orlandi, qui, en vérité, me devait bien un remercîment et ne me l’avait pas fait.

Mais je dépassai la dernière maison du village, et je m’avançai dans la campagne sans avoir rien vu qui lui ressemblât.

Je croyais avoir été tout à fait oublié, et je dois dire qu’au milieu des graves préoccupations que devait éprouver Orlandi dans une pareille journée, je lui pardonnais sincèrement cet oubli, quand, tout à coup, en arrivant au maquis de Bicchisano, je vis sortir du fourré un homme qui se plaça au milieu du chemin, et que je reconnus à l’instant même pour celui que, dans mon impatience française et dans mon habitude des convenances parisiennes, je taxais d’ingratitude.

Je remarquai qu’il avait déjà eu le temps d’endosser le même costume que celui sous lequel il m’était apparu dans les ruines de Vicentello, c’est-à-dire qu’il portait sa cartouchière, à laquelle était accroché le pistolet de rigueur, et qu’il était armé de son fusil.

Lorsque je fus à vingt pas de lui, il mit le chapeau