Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/17

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bins, ayant l’honneur d’être la blanchisseuse particulière de don Modeste Gorenflot, abbé dudit prieuré des Jacobins. Mais, pour en revenir au hourvari dont parlait le compère Miton, et auquel je ne crois pas, ni vous non plus, à ce que vous dites, du moins…

— Compère, compère ! s’écria Miton, regardez donc ce qui se passe.

Maître Friard suivit la direction indiquée par le doigt de son compagnon, et vit qu’outre les barrières, dont la fermeture préoccupait déjà si sérieusement les esprits, on fermait encore la porte.

Cette porte fermée, une partie des Suisses vint s’établir en avant du fossé.

— Comment ! comment ! s’écria Friard pâlissant, ce n’est point assez de la barrière, et voilà qu’on ferme la porte maintenant !

— Eh bien ! que vous disais-je ? répondit Miton pâlissant à son tour.

— C’est drôle, n’est-ce pas ? fit l’inconnu en riant.

Et en riant il découvrit, entre la barbe de ses moustaches et celle de son menton, une double rangée de dents blanches et aiguës qui paraissaient merveilleusement aiguisées par l’habitude de s’en servir au moins quatre fois par jour.

À la vue de cette nouvelle précaution prise, un long murmure d’étonnement et quelques cris d’effroi s’élevèrent de la foule compacte qui encombrait les abords de la barrière.

— Faites faire le cercle ! cria la voix impérative d’un officier.

La manœuvre fut opérée à l’instant même, mais non sans encombre : les gens à cheval et les gens en charrette, forcés de rétrograder, écrasèrent çà et là quelques pieds, et enfoncèrent à droite et à gauche quelques côtes dans la foule.

Les femmes criaient, les hommes juraient ; ceux qui pouvaient fuir fuyaient en se renversant les uns sur les autres.