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— Les Lorrains ! les Lorrains ! cria une voix au milieu de tout ce tumulte.

Le cri le plus terrible, emprunté au pâle vocabulaire de la peur, n’eût pas produit un effet plus prompt et plus décisif que ce cri :

— Les Lorrains !!!

— Eh bien ! voyez-vous ? voyez-vous ? s’écria Miton tremblant, les Lorrains, les Lorrains, fuyons !

— Fuir, et où cela ? demanda Friard.

— Dans cet enclos, s’écria Miton en se déchirant les mains pour saisir les épines de cette haie contre laquelle était moelleusement assis l’inconnu.

— Dans cet enclos, dit Friard ; cela vous est plus aisé à dire qu’à faire, maître Miton. Je ne vois pas de trou pour entrer dans cet enclos, et vous n’avez pas la prétention de franchir cette haie qui est plus haute que moi.

— Je tâcherai, dit Miton, je tâcherai.

Et il fit de nouveaux efforts.

— Ah ! prenez donc garde, ma bonne femme ! cria Friard du ton de détresse d’un homme qui commence à perdre la tête, votre âne me marche sur les talons. Ouf ! monsieur le cavalier, faites donc attention, votre cheval va ruer. Tudieu ! charretier, mon ami, vous me fourrez le brancard de votre charrette dans les côtes.

Pendant que maître Miton se cramponnait aux branches de la haie pour passer par-dessus, et que le compère Friard cherchait vainement une ouverture pour se glisser par-dessous, l’inconnu s’était levé, avait purement et simplement ouvert le compas de ses longues jambes, et d’un simple mouvement pareil à celui que fait un cavalier pour se mettre en selle, il avait enjambé la haie sans qu’une seule branche effleurât son haut-de-chausses.

Maître Miton l’imita en déchirant le sien en trois endroits ; mais il n’en fut point ainsi du compère Friard qui, ne pouvant passer ni par-dessous ni par-dessus, et, de plus en plus