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L’officier haussa imperceptiblement les épaules : mais, si imperceptible que fût ce mouvement, il n’échappa point au Gascon.

— S’il vous plaît ? fit-il.

— Vous avez une carte ? demanda l’officier.

— Certes que j’en ai une, et plutôt deux qu’une.

— Une seule suffira si elle est en règle.

— Mais je ne me trompe pas, continua le Gascon en ouvrant des yeux énormes ; eh ! non, cap de Bious ! je ne me trompe pas ; j’ai le plaisir de parler à monsieur de Loignac ?

— C’est possible, Monsieur, répondit sèchement l’officier, visiblement peu charmé de cette reconnaissance.

— À monsieur de Loignac, mon compatriote ?

— Je ne dis pas non.

— Mon cousin !

— C’est bon, votre carte ?

— La voici.

Le Gascon tira de son gant la moitié d’une carte découpée avec art.

— Suivez-moi, dit Loignac sans regarder la carte, vous et vos compagnons, si vous en avez ; nous allons vérifier les laissez-passer.

Et il alla prendre poste près de la porte.

Le Gascon à tête nue suivit.

Cinq autres individus suivirent le Gascon à tête nue.

Le premier était couvert d’une magnifique cuirasse si merveilleusement travaillée, qu’on eût cru qu’elle sortait des mains de Benvenuto Cellini. Cependant, comme le patron sur lequel cette cuirasse avait été faite avait un peu passé de mode, cette magnificence éveilla plutôt le rire que l’admiration.

Il est vrai qu’aucune autre partie du costume de l’individu porteur de cette cuirasse ne répondait à la splendeur presque royale du prospectus.

Le second qui emboîta le pas était suivi d’un gros laquais