Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/30

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grisonnant, et, maigre et hâlé comme il l’était, semblait le précurseur de don Quichotte, comme son serviteur pouvait passer pour le précurseur de Sancho.

Le troisième parut portant un enfant de dix mois entre ses bras, suivi d’une femme qui se cramponnait à sa ceinture de cuir, tandis que deux autres enfants, l’un de quatre ans, l’autre de cinq, se cramponnaient à la robe de la femme.

Le quatrième apparut boitant et attaché à une longue épée.

Enfin, pour clore la marche, un jeune homme d’une belle mine s’avança sur un cheval noir, poudreux, mais d’une belle race.

Celui-là, près des autres, avait l’air d’un roi.

Forcé de marcher assez doucement pour ne point dépasser ses collègues, peut-être d’ailleurs intérieurement satisfait de ne point marcher trop près d’eux, ce jeune homme demeura un instant sur les limites de la haie formée par le peuple.

En ce moment il se sentit tirer par le fourreau de son épée, et se pencha en arrière.

Celui qui attirait son attention par cet attouchement était un jeune homme aux cheveux noirs, à l’œil étincelant, petit, fluet, gracieux, et les mains gantées.

— Qu’y a-t-il pour votre service, Monsieur ? demanda notre cavalier.

— Monsieur, une grâce.

— Parlez, mais parlez vite, je vous prie : vous voyez que l’on m’attend.

— J’ai besoin d’entrer en ville. Monsieur, besoin impérieux, comprenez-vous ?… De votre côté, vous êtes seul, et avez besoin d’un page qui fasse encore honneur à votre bonne mine.

— Eh bien ?

— Eh bien ! donnant, donnant : faites-moi entrer, je serai votre page.