Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

même une fête extraordinaire, que la mort d’un homme, lorsqu’il a su soulever tant de passions que les uns le maudissent et que les autres le louent, tandis que le plus grand nombre le plaint.

Le spectateur qui réussissait à déboucher sur la place soit par le quai, près du cabaret de l’image Notre-Dame, soit par le porche même de la place Beaudoyer, apercevait tout d’abord, au milieu de la Grève, les archers du lieutenant de robe courte, Tanchon, et bon nombre de Suisses et de chevau-légers entourant un petit échafaud élevé de quatre pieds environ.

Cet échafaud, si bas qu’il n’était visible que pour ceux qui l’entouraient, ou pour ceux qui avaient le bonheur d’avoir place à quelque fenêtre, attendait le patient, dont les moines s’étaient emparés depuis le matin, et que, suivant l’énergique expression du peuple, ses chevaux attendaient pour lui faire faire le grand voyage.

En effet, sous un auvent de la première maison après la rue du Mouton, sur la place, quatre vigoureux chevaux du Perche, aux crins blancs, aux pieds chevelus, battaient le pavé avec impatience et se mordaient les uns les autres, en hennissant, au grand effroi des femmes qui avaient choisi cette place de leur bonne volonté, ou qui avaient été poussées de ce côté par la force.

Ces chevaux étaient neufs ; à peine quelquefois, par hasard, avaient-ils, dans les plaines herbeuses de leur pays natal, supporté sur leur large échine l’enfant joufflu de quelque paysan attardé au retour des champs, lorsque le soleil se couche.

Mais après l’échafaud vide, après les chevaux hennissants, ce qui attirait d’une façon plus constante les regards de la foule, c’était la principale fenêtre de l’hôtel de ville, tendue de velours rouge et or, et au balcon de laquelle pendait un tapis de velours, orné de l’écusson royal.

C’est qu’en effet cette fenêtre était la loge du roi.