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Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/49

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pulence assez ample, l’accula au fossé de la route, et, sur une feinte de seconde, lui porta un coup de pointe au milieu des côtes.

L’homme tomba.

Chicot mit le pied sur l’épée du vaincu pour qu’il ne pût la ressaisir, et de son poignard coupant les cordons du masque :

— Monsieur de Mayenne !… dit-il ; ventre de biche ! je m’en doutais.

Le duc ne répondait pas ; il était évanoui, moitié de la perte de son sang, moitié du poids de la chute.

Chicot se gratta le nez, selon son habitude lorsqu’il avait à faire quelque acte de haute gravité ; puis, après la réflexion d’une demi-minute, il retroussa sa manche, prit sa large dague, et s’approcha du duc pour lui trancher purement et simplement la tête.

Mais alors il sentit un bras de fer qui étreignait le sien, et entendit une voix qui lui disait :

— Tout beau. Monsieur ! on ne tue pas un ennemi à terre.

— Jeune homme, répondit Chicot, vous m’avez sauvé la vie, c’est vrai : je vous en remercie de tout mon cœur ; mais acceptez une petite leçon fort utile en ces temps de dégradation morale où nous vivons. Quand un homme a subi en trois jours trois attaques, lorsqu’il a couru trois fois risque de la vie, lorsqu’il est tout chaud encore du sang d’ennemis qui lui ont tiré de loin, sans provocation aucune de sa part, quatre coups d’arquebuse, comme ils eussent fait à un loup enragé, alors, jeune homme, ce vaillant, permettez-moi de le dire, peut hardiment faire ce que je vais faire.

Et Chicot reprit le cou de son ennemi pour achever son opération.

Mais cette fois encore le jeune homme l’arrêta.

— Vous ne le ferez pas, Monsieur, dit-il, tant que je se-