aussitôt près de ce fils qu’elle aime tant : nous lui avons fait beau jeu, cependant.
— Général, c’est vous qui avez saisi ma correspondance, je crois ?
— Oui, madame.
— Et vous avez lu mes lettres ?
— J’ai eu cette indiscrétion.
— Eh bien, vous auriez dû voir que, du moment où j’étais venue me mettre à la tête de mes braves Vendéens, j’étais résolue à subir toutes les conséquences de l’insurrection… Comment ! c’est pour moi qu’ils se sont levés, qu’ils ont compromis leur tête, et je les aurais abandonnés !… Non, général, leur sort sera le mien, et je leur ai tenu parole. Du reste, il y a longtemps que je serais votre prisonnière, que je me serais rendue moi-même, pour faire tout finir, si je n’avais eu une crainte.
— Laquelle ?
— C’est que je savais bien qu’à peine prisonnière, je serais réclamée par l’Espagne, la Prusse et la Russie. Le gouvernement français, de son côté, voudrait me faire juger, et c’est tout naturel ; mais, comme la Sainte-Alliance ne permettrait pas que je comparusse devant une cour d’assises, — car la dignité de toutes les têtes couronnées de l’Europe y est intéressée, — de ce conflit d’intérêts à un refroidissement, et d’un refroidissement à une guerre, il n’y avait qu’un pas, et, je vous l’ai déjà dit, je ne voulais pas être le prétexte d’une guerre d’invasion. Tout pour la France et par la France, c’était la devise que j’avais adoptée, et dont je ne voulais pas me départir. D’ailleurs, qui pouvait m’assurer que la France, une fois envahie, ne serait point partagée ? Je la veux tout entière, moi !
Dermoncourt sourit.
— Pourquoi riez-vous ? lui dit-elle.
Il s’inclina sans répondre.
— Voyons, pourquoi riez-vous ? Je veux le savoir.
— Je ris de voir à Votre Altesse toutes ces craintes d’une guerre étrangère…
— Et si peu d’une guerre civile, n’est-ce pas ?