taire, un sanglier ou une laie, si cette laie était pleine, et depuis combien de temps elle l’était. Le solitaire le plus rusé n’aurait pu cacher six mois de son âge à Choron, qui, à l’inspection de son pas, eût rectifié son extrait de naissance.
C’était merveilleux à voir, surtout pour les chasseurs parisiens qui nous arrivaient de temps en temps. Il est vrai que, pour nous autres, chasseurs campagnards qui avions fait les mêmes études, mais qui étions restés dans les degrés inférieurs, la chose n’avait rien de surnaturel.
Choron n’en était pas moins, pour ses camarades, une espèce d’oracle en tout ce qui concernait la chasse à la grosse bête.
Puis le courage conquiert vite une grande puissance sur les hommes. Choron ne savait pas ce que c’était que la peur ; il n’avait jamais reculé devant ni homme ni animal qui fût au monde. Il allait relancer le sanglier jusque dans sa bauge la plus profonde ; il allait attaquer les braconniers jusque dans leurs retraites les mieux défendues. À la vérité, Choron recevait de temps en temps quelque coup de boutoir à la cuisse, ou quelque chevrotine dans les reins ; mais, dans ce cas, il avait une façon de traiter ses blessures qui lui réussissait souverainement bien. Il montait de sa cave deux ou trois bouteilles de vin blanc, tirait un de ses chiens de sa niche, se couchait à terre sur une peau de cerf, faisant lécher sa plaie par Rocador ou par Fanfaro, et, pour réparer le sang perdu, avalait, pendant ce temps-là, ce qu’il appelait sa tisane ; le soir, il n’y paraissait presque plus, et, le lendemain, il était guéri.
Avec tout cela, chose assez singulière, Choron était un assez médiocre tireur, et, dans ce que l’on appelait les chasses au panier, c’est-à-dire lorsqu’on chassait pour envoyer du menu gibier, lapin, lièvre, perdrix ou chevreuil au duc d’Orléans, il était bien rare que Choron fournit sa quote-part.
Il laissait alors la royauté de la chasse soit à Moinat, soit à Mildet.
Moinat était le premier tireur à plomb, et Mildet le premier tireur à balle de la forêt de Villers-Cotterets.
Si Montagnon m’avait appris à monter et démonter un fusil,