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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/28

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

maître d’école de la ville, Oblet, et continuer mes leçons d’armes avec le père Mounier.

Quant à l’équitation, je l’avais apprise tout seul, comme les soldats romains, en montant à poil les premiers chevaux venus.

Toute mon éducation devait donc se borner à savoir de latin ce qu’en savait l’abbé Grégoire ; à étudier mes quatre règles avec M. Oblet ; et à faire des contres, des feintes et des parades avec le père Mounier.

Celui de tous, il faut le dire, qui était le moins bien partagé, c’était Oblet.

J’ai toujours eu pour l’arithmétique une si profonde antipathie, que je n’ai jamais pu dépasser la multiplication. Aujourd’hui, encore, je suis incapable de faire la moindre division.

Mais, si je n’apprenais pas le calcul avec Oblet, Dieu, qui veillait sur moi, me faisait providentiellement étudier autre chose.

Outre une science parfaite de son Barême, Oblet avait une magnifique écriture. Il faisait, à main levée, non-seulement toutes les lettres de l’alphabet, comme M. Prudhomme, mais encore des ornements, des cœurs, des rosaces, des lacs d’amour, Adam et Ève, le portrait de Louis XVIII, que sais-je, moi ? des choses merveilleuses.

Ah ! pour la calligraphie, c’était autre chose, j’étais doué ! Quand Oblet venait me donner ma leçon de calcul, et que, pour l’acquit de sa conscience, il m’avait fait faire mes trois premières règles, — je l’ai dit, jamais je n’ai dépassé la multiplication, — nous prenions de belles feuilles de papier blanc, nous taillions d’avance trois ou quatre plumes en gros, en fin, en moyen, et alors les pleins, les traits et les déliés allaient leur train.

En trois mois, j’avais atteint Oblet, et, si je ne craignais pas de blesser son amour-propre, je dirais que, sur certains points, je l’avais même dépassé.

Ces progrès dans l’écriture faisaient quelque plaisir à ma mère ; mais elle eût mieux aimé le calcul.

— L’écriture, l’écriture ! disait-elle ; le beau mérite de bien