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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/30

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

s’était jamais appelé Napoléon, mais Nicolas, — le débaptisant ainsi de son titre de lion du désert, les ignorants qu’ils étaient ! pour l’appeler vainqueur des peuples.

Au milieu de tous ces événements, j’atteignis ma treizième année, et il était grandement question de me faire faire ma première communion, événement grave dans la vie de tout enfant, mais plus grave encore dans la mienne.

Si jeune que j’aie été, je me suis toujours senti, en dehors des pratiques extérieures, un sentiment profondément religieux. Ce sentiment, comme un timbre mystérieux et caché, vibre toujours, mais ne résonne réellement que lorsque le frappe un vif sentiment de joie ou de douleur. Dans l’un et l’autre cas, mon premier mouvement, soit de reconnaissance  soit d’affliction, est toujours pour le Seigneur. Les églises, où je n’entre presque jamais, — car, pour que j’en franchisse le seuil, il faut, comme Habacuc, que quelque ange m’emporte par les cheveux, — les églises sont pour moi un lieu tellement sacré, que je croirais les profaner en les visitant comme tout le monde, pour satisfaire à un mouvement de curiosité ou à un caprice de religion.

Non, pour que je me décide à entrer dans nos églises du Nord, surtout, il me faut une allégresse réelle ou un chagrin profond. Dans l’un ou l’autre cas, je gagne le coin le plus solitaire, l’endroit le plus sombre, — pour Dieu, il n’y a pas d’endroit sombre, — et je me prosterne, le plus souvent, contre un pilier où je puisse poser ma tête ; et, là, les yeux fixes, isolé de tout et de tous, je m’absorbe dans une pensée, celle d’un Dieu, Dieu bon, tout-puissant, éternel, infini. Je ne trouve pas une parole à lui dire, pas une prière à lui faire. Que dire à Dieu, et à quoi bon le prier ? Ne voit-il pas le visage derrière le masque, l’impiété derrière l’hypocrisie ? Non, je mets mon corps, mon cœur, mon âme aux pieds de sa miséricorde, mon humilité aux pieds de sa grandeur. Je le bénis dans le passé, je le glorifie dans le présent, et j’espère en lui dans l’avenir.

Mais tout cela n’est pas très-orthodoxe, tout cela sent beaucoup son chrétien et très-peu son catholique ; aussi crai-