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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/31

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

gnait-on que je ne donnasse point un exemple de piété très-édifiant.

Ceux qui craignaient cela ne comprenaient pas que mon apparente irréligion me venait de trop de religiosité.

Au reste, il en était des prières comme des règles ; je n’avais pu en apprendre que trois : Notre Père, — Je vous salue, Marie, — et Je crois en Dieu.

Encore ne les savais-je qu’en français, et pas à la lettre. On avait voulu me les apprendre en latin ; mais, comme, à cette époque-là, je n’étais pas encore le disciple de l’abbé Grégoire, je m’y étais refusé, disant que je voulais savoir ce que je demandais au bon Dieu ; ce à quoi on m’avait répondu que le bon Dieu entendait toutes les langues.

— N’importe ! avais-je insisté ; ce n’est pas assez pour moi que le bon Dieu comprenne, il faut que je comprenne aussi.

Et j’avais obtenu d’apprendre mes prières en français.

Au reste, malgré mes prières gallicanes et mon peu d’assiduité aux enseignements du catéchisme, il y avait deux personnes qui n’avaient jamais douté de mes dispositions religieuses.

C’étaient ma mère et l’abbé Grégoire.

Il y avait même plus : malgré les duretés de l’abbé Remy, curé de l’église de Villers-Cotterets, dont l’abbé Grégoire n’était que vicaire, ce dernier obtenait pour moi le suprême honneur de prononcer les Vœux du baptême.

La chose avait été longtemps débattue, et il fallut que l’abbé Grégoire répondit corps pour corps de son élève.

On me donna les Vœux du baptême huit jours d’avance, copiés de la plus belle écriture d’Oblet ; le lendemain, je les savais par cœur.

La veille du jour de la cérémonie, ma mère me trouva plongé dans une lecture qui semblait absorber toutes mes facultés. Elle ne douta pas un instant que le livre qui captivait ainsi mon attention ne fût quelque Imitation de Jésus-Christ, quelque Pratique du Chrétien : elle s’approcha doucement, et lut par-dessus mon épaule.