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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

L’hiver, ces allées foisonnaient de toute sorte d’oiseaux, et surtout de grives.

Mon fusil-canne, de petit calibre, était excellent, et portait au faîte des plus hauts arbres.

Aussi, mon thème ou ma version finis, ou même non finis, prenais-je ma course, sous prétexte d’aller chez Montagnon. Montagnon me tenait le fusil prêt, me faisait sortir par la porte de derrière, et je ne faisais qu’un bond jusqu’aux grandes allées.

Là, je trouvais Saulnier ou Arpin, avec quelque canon emmanché à une bûche, quelque fusil rogné, quelque pistolet exagéré de longueur, et la chasse commençait.

Là, je trouvais surtout quiot Biche.

Cooper a consacré cinq romans à Natty Bas-de-Cuir ; que le lecteur me permette de consacrer quelques lignes à quiot Biche, le seul homme peut-être de notre Europe qui puisse, sans désavantage, être comparé au héros américain.

Hanniquet, surnommé, je ne sais pourquoi, quiot Biche, était à cette époque, un garçon d’une vingtaine d’années, de taille moyenne, parfaitement pris, fort comme toute machine bien équilibrée, mais surtout excellent braconnier.

Biche avait commencé par la marette et la pipée, comme doit faire tout vrai braconnier, et, dans ces deux exercices, il avait bien certainement été à Boudoux ce que Pompée avait été à César ; peut-être même Biche fût-il devenu César et Boudoux Pompée, si l’ambition ne l’eût pas entraîné au braconnage, terrain que Boudoux dédaignait noblement et surtout prudemment !

Personne n’a jamais distingué un lapin au gîte dans un buisson, un lièvre dans une jachère, comme Biche ; personne n’a jamais su, comme Biche, approcher nonchalamment de ce lièvre ou de ce lapin, et le tuer d’un coup de pierre ou d’un coup de bâton.

On sait ce que c’est qu’une perdrix sur pied et courant. Eh bien, Biche avait le talent de charmer cette perdrix, de s’approcher d’elle et de la tuer avec un méchant canon de pistolet