Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/184

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après son départ, sa présence n’était trahie que par le secours qu’il avait laissé.

Les frères de la Miséricorde doivent encore accompagner les condamnés à l’échafaud ; mais comme depuis l’avènement au trône du grand-duc Ferdinand, père du souverain actuellement sur le trône, la peine de mort est à peu près abolie, ils sont délivrés de cette pénible partie de leurs fonctions.

Son devoir rempli, chaque frère revient place du Dôme, dépose dans la maison miséricordieuse robe, cierge, chapeau, et retourne à ses affaires ou à ses plaisirs, presque toujours allégé de quelques francesconi.

Revenons à la Pergola dont nous a, pour un instant, écarté la cloche de la Miséricorde.

Le ballet fini, on chante le second acte, car en Italie, pour donner aux chanteurs le temps de se reposer, le ballet s’exécute entre les deux actes. Comme en général on s’occupe très peu de l’opéra, personne ne se plaint de cette solution de continuité, les étrangers seuls s’en étonnent d’abord, mais bientôt ils s’y accoutument ; d’ailleurs on n’habite pas trois mois Florence qu’on est déjà aux trois quarts toscanisé.

Florence est en tout temps ce qu’était Venise du temps de Candide, le rendez-vous des rois détrônés. À la première représentation des Vêpres Siciliennes, j’ai vu à la fois dans la salle : le comte de Saint-Leu, ex roi de Hollande, le prince de Montfort, ex-roi de Westphalie, le duc de Lucques, ex-roi d’Étrurie, madame Christophe, ex-reine de Haïti, le prince de Syracuse, ex-vice-roi de Sicile, et peu s’en était fallu encore que cette illustre société de têtes découronnées ne fût complétée par Christine, l’ex-régente d’Espagne.

Il est vrai que l’opéra qu’on représentait était du prince Poniatowski, dont l’ancêtre était roi de Pologne.

Comme on le voit, la Toscane a enlevé à la France le privilège d’être l’asile des rois malheureux.

Après la Pergola, il y a toujours quelque soirée russe, anglaise ou florentine, où l’on va continuer sa nuit et achever une conversation commencée aux Cachines ou à la Pergola.

Voilà ce qu’est à Florence l’hiver pour l’aristocratie.

Quant au peuple toscan, plus heureux que le peuple pari-