Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/238

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les yeux fixés l’un sur son église, l’autre sur sa coupole. À la gauche du premier, entre lui et la maison de la confrérie de la Miséricorde, est la rue de la Morte, ainsi nommée de cette fameuse tradition qui a inspiré à Scribe son poëme de Guido et Ginevra.

En quittant la place du Dôme, nous prîmes la rue des Calzajoli ; c’est à la fois une des rues les plus étroites et les plus historiques de Florence. Comme de tout temps elle a été peuplée d’artisans, comme elle conduit du Dôme au Palais-Vieux, comme enfin elle a à-peine dix pieds de large, elle fut vingt fois le théâtre de ces luttes armées, si fréquentes sous la république. Aussi est-elle à Florence ce que la rue Vivienne est à Paris, c’est-à-dire le passage obligé de toute personne qui fait hors de son hôtel ou de son magasin cinq cents pas pour ses affaires ou son plaisir. Une chose miraculeuse, au reste, est de voir passer au trot les voitures, au milieu de cette foule qui se range sans pousser un seul murmure ; tant à Florence, comme nous l’avons dit, le peuple a l’habitude de céder le pas à tout ce qui lui paraît au dessus de lui. Mettez le même nombre de voitures et le même nombre de gens dans une rue pareille, aboutissant au Palais Royal, aux Tuileries et à la Bourse, et il y aura par jour trois ou quatre personnes écrasées, et trente ou quarante cochers roués de coups.

J’ai habité Florence près de quinze mois, à différentes époques, et je n’y ai jamais vu ni un accident, ni une rixe. Au bout de la rue des Calzajoli est la charmante petite église d’Or’-San-Michele, ainsi nommée du jardin sur lequel elle est construite, Orto, et du saint auquel elle est consacrée. C’était autrefois un grenier à blé bâti par Arnolfo di Lapo, ce grand remueur de pierres ; mais ayant été endommagée par un incendie, et la république, voulant seconder l’inclination du peuple, qui avait une grande vénération pour une madone des plus miraculeuses, peinte sur bois, et clouée à l’un des piliers du portique, décréta que le grenier serait changé en église. Giotto fut chargé de la transformation ; il fit en conséquence le dessin de l’église actuelle, qui fut exécutée sous la direction de Taddeo Gaddi. Quant à l’image de la Vierge, André Orcagna, le peintre du Campo-Santo,