Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/274

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posé le premier défi, il ne se croyait nullement dans l’obligation d’accepter le second. — Mais alors il arriva une chose qui prouve jusqu’à quel point il avait excité le fanatisme de ses disciples. Frère Dominique Bonvicini, plus confiant que lui dans l’intervention de Dieu, fit répondre qu’il était prêt à tenir tête à François de Pouille et à accepter l’épreuve du feu. — Malheureusement ce dévouement ne faisait pas le compte de frère François, c’était le maître et non le disciple qu’il voulait frapper ; et s’il mourait, il voulait du moins que sa mort eût tout l’éclat que pouvait lui donner celle de l’antagoniste illustre avec lequel seul il consentait à lutter.

Mais Florence semblait atteinte d’une folie générale. À défaut de frère François, deux moines Franciscains, nommés l’un frère Nicolas de Pilly et l’autre frère André Rondinelli, déclarèrent qu’ils étaient prêts à tenir tête à François de Pouille et à accepter l’épreuve du feu avec frère Dominique : le même jour, le bruit que le défi mortel était accepté se répandit par toute la ville.

Les magistrats voulurent empêcher le scandale ; il était trop tard. Le peuple comptait sur un spectacle inattendu, inouï, terrible ; et il n’y avait pas moyen de le lui enlever sans exposer la ville à quelque émeute. Les magistrats furent donc obligés de céder ; ils décidèrent alors que ce duel étrange aurait lieu entre frère Dominique Bonvicini et frère André Rondinelli, qui, ayant prouvé qu’il était le premier en date, obtint la préférence sur frère Nicolas de Pilly. Dix citoyens élus à la majorité des voix furent chargés de régler les détails de la lutte, d’en fixer le jour et le lieu. Le jour fut fixé au 7 avril 1498, et la place du Palais, ou plutôt de la Seigneurie, comme on l’appelait alors, fut choisie pour le champ clos.

Dès que cette décision fut connue, la foule s’amassa si nombreuse sur la place, quoiqu’il y eût encore cinq jours à attendre avant le jour fixé, que les juges comprirent qu’il n’y aurait aucun moyen de faire les préparatifs nécessaires, si l’on ne remplissait point d’hommes armés les rues adjacentes. Moyennant cette précaution, prise pendant la nuit, la place, un matin, se trouva vide, et l’on put commencer les travaux.