Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/35

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gorges d’Ollioules à Toulon, qu’eut lieu, le 18 juin 1815, le jour même de la bataille de Waterloo, l’entrevue du maréchal Brune et de Murat. Murat était vêtu en mendiant, avait une redingote grise, une résille espagnole, un grand feutre catalan, et des lunettes d’or. Ce que demandait le mendiant royal, c’était de reprendre sa place comme simple soldat dans les armées de celui qu’il avait perdu deux fois, la première en se déclarant contre lui, la seconde en se déclarant pour lui. On sait quel fut le résultat de cette entrevue. Murat, repoussé de France, passa en Corse, et de la Corse s’embarqua pour la Calabre. On peut retrouver son cadavre dans l’église du Pizzo.

En entrant à Toulon, nous passâmes devant le fameux balcon du Puget, qui fit dire au chevalier Bernin, lorsqu’il arriva en France, que ce n’était pas la peine d’envoyer chercher des artistes en Italie quand on avait chez soi des gens capables de faire de pareilles choses.

Les trois têtes qui soutiennent ce balcon sont les charges des trois consuls de Toulon, dont Puget était mécontent ; aussi la ville les garde-t-elle précieusement comme des portraits de famille.

J’avais des lettres pour M. Lauvergne, jeune médecin du plus grand mérite, qui avait accompagné le duc de Joinville dans son excursion de Corse, d’Italie et de Sicile, et frère de Lauvergne, le peintre de marine, qui a fait deux ou trois fois le tour du monde. Comme nous comptions nous arrêter à Toulon, il nous offrit, au lieu de notre sombre appartement en ville, une petite bastide pleine d’air et de soleil qu’il avait au fort Lamalgue. L’offre était faite avec tant de franchise que nous acceptâmes à l’instant. Le soir même nous étions installés, de sorte que le lendemain, en nous éveillant et en ouvrant nos fenêtres, nous avions devant nous cette mer infinie qu’on a besoin de revoir de temps en temps une fois qu’on l’a vue, et dont on ne se lasse pas tant qu’on la voit.

Toulon a peu de souvenirs. À part le siége qu’en fit le duc de Savoie, et la trahison qui le mit aux mains des Anglais et des Espagnols, en 1795, son nom se trouve rarement cité dans l’histoire : mais à cette dernière fois elle s’y trouve